Maëlle Deruaz championne du monde Ironman scratch groupe d’âge 2023 à Hawaï et son coach William Mennesson
Maëlle Deruaz 🇫🇷 est la première Française à remporter le championne du monde Ironman scratch groupe d’âge féminin à Hawaï. C’était en 2023, son histoire est celle d’une détermination et d’un dévouement à son sport.
L’Ironman de Kona est considéré comme l’une des courses les plus difficiles au monde dans le domaine du triathlon. Elle comprend une nage de 3,8 kilomètres, un parcours à vélo de 180 kilomètres, suivi d’une course à pied de 42,2 kilomètres, le tout se déroulant dans des conditions de chaleur souvent extrêmes.
⏱️ Son chrono : 9h14’12 – Première française et 26eme au scratch avec les professionnelles.
- 🏊🏻 1h02’18
- 🚴🏻♀️ 4h51’58
- 🏃🏻♀️ 3h13’34
La victoire de Maëlle Deruaz à Kona (Hawaï) témoigne non seulement de son talent athlétique, mais aussi de sa résilience mentale et de sa capacité à surmonter les obstacles. Gagner dans sa catégorie à Kona est une réalisation remarquable et témoigne de son engagement envers son sport et de son excellence en tant qu’athlète.
QUESTIONS à Maëlle – championne du monde Ironman GA
1 – Quelle est ta plus grande qualité ? Et défaut ?
Ma plus grande qualité est sûrement ma détermination, ma capacité à me discipliner lorsque je veux vraiment quelque chose. Et la partie mentale joue un rôle crucial dans les disciplines de longues distances.
Mon plus grand défaut vient de ma mauvaise gestion des émotions et du stress et le sport m’aide en partie à me canaliser.
2 – Penses tu que tu aurais pu y arriver à remplir ton objectif sans coach ? Comment l’as tu choisi ? :p
Non, je n’aurais pas pu réussir sans coach. Prendre un coach m’a appris à être régulière à l’entraînement et a été source d’une grande motivation dans ma pratique car cela me donnait un objectif à atteindre chaque jour.
J’ai choisi William en 2021 pour son approche efficace. En raison de mon travail j’avais très peu de temps à consacrer au triathlon et William a pleinement tenu compte de ce paramètre. Ensuite son plan d’entraînement était totalement créé et adapté pour moi. Son approche et sa vision des entraînements (gestion des intensités, répartition des séances etc.) me convenait parfaitement.
3 – Quel était ton quotidien en quelques mots pour arriver à ton objectif ?
Mes semaines depuis le mois de janvier 2023 (hormis blessure post Ironman Nice) étaient très similaires et je pense que c’est cette régularité qui a payé. Cela consistait en 3 séances de natation, 3 séances à pied, 4 séances de vélo dont 2 sur le home-trainer. Et avec William on discutait et on adaptait sur Ido en fonction de mes sensations, de mon stress extérieur et de ma fatigue en permanence.
C’est aussi tous les à côtés qui ont payé le jour-j, rien n’a été laissé au hasard: préparation mentale, adaptation au combo chaleur/humidité, stratégie de course, nutrition bien rodée, technique de refroidissement le jour-j, team de supporters très bien briefée.
4 – As tu une source de motivation personnelle particulière pour te fixer un tel objectif en si peu de temps ? A quoi as tu pensé pdt ta course ?
Ce qui m’anime c’est donner la meilleure version de moi-même en allant tester mes limites. Je suis très exigeante envers moi-même. Et j’adore me fixer des défis.
Le jour-j je n’ai pas vu le temps passer. En natation, j’étais concentrée sur le geste technique. En vélo, je faisais des exercices de méditation. En course à pied, je ne pensais qu’à refroidir mon corps, boire et manger.
En bref, j’étais à la fois complètement ailleurs, dans mon monde, et super présente et concentrée sur la gestion de ma course.
5 – Cela fait maintenant 6 mois que tu as passé la ligne d’arrivée de l’Ironman d’HawaÏ en levant les bras, qu’est ce que tu ressens quand tu repenses à ce moment incroyable ? Ça te manque pas trop ? Le tri c’est vraiment plus jamais ? Pourquoi pas triathlète pro ?!!!
Lorsque j’y repense, je ressens beaucoup d’émotions, je peux en avoir les larmes aux yeux. Je continue de me demander comment j’ai réussi à le faire.
C’est surtout les émotions liées au sport qui me manquent, ainsi que le fait de me sentir solide/forte. Le triathlon m’a tellement apporté en terme de confiance en moi sur le plan extra-sportif.
La question de triathlète professionnelle ne s’est jamais vraiment posée car j’ai toujours privilégié mes études/mon travail. Je trouve mon équilibre en jonglant avec les deux. En plus les qualités développées grâce au triathlon m’aident dans mon travail et réciproquement.
Actuellement, je fais une pause dans le triathlon mais j’y reviendrai un jour. Retourner à Hawaï et pourquoi pas gagner en AG60-65 me fait encore énormément rêver 🙂
6 – Question extra-bonus : penses tu que le triathlon est un sport d’avenir ?
Oui car c’est un sport très complet, mélangeant endurance, technique et gestion de course. La complémentarité des trois sports est un vrai plus. On ne s’ennuie jamais car on n’en fait jamais le tour, il y a toujours une discipline dans laquelle on peut progresser.
A l’inverse, les limites du triathlon pour moi viennent du fait que c’est un sport très chronophage et le coût du matériel peut également créer une barrière à l’entrée.
QUESTIONS à William – Coach de Maëlle
1 – Tu es triathlète pro et coach. Est ce que pour être bon dans l’un des deux domaine il faut aussi être bon dans l’autre, oui , non , dans quel sens ? Être bon coach pour être bon triathlète ? Être bon triathlète pour être bon coach ?
Je pense que pour être un bon coach il faut à minima avoir été (tri)athlète soi même. Pas forcément au plus au niveau, mais avec un engagement suffisant pour comprendre les contraintes et exigences liées à la pratique de ce sport. Comprendre aussi le ressenti des athlètes dans certaines situations (pré ou post course, suite à un échec, en phase de doute, avant une grosse séance, etc), car les avoir vécues permet de mieux les comprendre et peut aider à trouver les bons mots pour communiquer avec l’athlète dans ces moments là.
Courir à haut niveau, en tant que professionnel, est selon moi un plus car c’est dans ce contexte que l’engagement est maximal et que la compétition est la plus dense. Ça permet aussi selon moi de mieux accompagner les athlètes qui visent le haut du classement et qui s’investissent pleinement dans leur pratique. Plus on progresse, plus ce sont de petits détails qui font la différence et selon moi c’est bien d’avoir été exposé à ces difficultés ou d’avoir connaissance de ces petits « tips » pour pouvoir les partager et apporter un petit plus.
Mais ça marche aussi dans l’autre sens. Accompagner des athlètes, qui ont chacun un parcours différent, un mode de vie différent, des ambitions et un investissement qui leur est propre me permet de me questionner sur ma pratique, ma vision du sport, ce qui est important ou non.
Le triathlète se nourrit du coach pour progresser et vice versa.
2 – Comment as tu pris la proposition/projet de Maelle ? Grosse pression, mais super excitant comme challenge ?
J’ai commencé à accompagner Maëlle au printemps 2021. Au début il n’était pas question de Hawaii ni d’Ironman, Maëlle voulait se qualifier pour les championnats du monde d’Ironman 70.3 dans son groupe d’âge.
Le projet a évolué au fur et à mesure selon ses envies et l’accomplissement de ses objectifs. En 2022 il était question de faire un grosse course sur l’Embrunman (elle fait 4ème au scratch), en 2023 c’était de gagner l’Ironman de Nice en amateur, puis d’aller essayer de gagner Hawaii en amateur.
En tant qu’athlète j’ai toujours été très détaché de la place à l’arrivée car je sais qu’elle ne dépend pas que de moi, elle dépend aussi de ce que font les autres. Je peux faire une super course et pourtant être loin dans le classement si d’autres font mieux. J’essaye de partager cette philosophie avec les athlètes que j’accompagne, surtout avec ceux qui visent une qualification pour les championnats du monde Ironman ou Ironman 70.3. D’inculquer l’importance du processus plus que du résultat.
Pour Maëlle je savais que si elle faisait une course à son niveau elle serait dans le match pour jouer devant sur le scratch amateur femme à Hawaii. On a mis une stratégie en place pour qu’elle puisse s’appuyer sur ces points forts durant la course. Elle est capable de sortir un gros marathon dans la chaleur, donc la journée a juste été une école de la patience pour pouvoir s’exprimer sur le dernier tiers de la course.
Avec son boulot très prenant on alternait des phases ou le sport était moins une priorité et des moments où c’était all-in pour le triathlon. Généralement je prône plutôt la régularité semaine après semaine pour ceux qui ont un temps limité à consacrer au triathlon mais avec Maëlle il fallait adapter ce principe. Garder un minimum de charge pendant ses semaines « habituelles » de travail, avec 1 ou 2 session par jour de 45′ à 1h la semaine, et un week-end costaud en charge. La priorité était de toujours bien récupérer, bien dormir et gérer le stress du boulot. A coté de ça on s’appuyait sur des miniblocs de surcharge avec un gros volume quand elle pouvait se dégager quelques jours d’affilée.
3 – En tant que coach, Comment arrives tu as gérer le quotidien d’un triathlète amateur ambitieux, qui alloue bcp de temps et d’energie à l’extra sportif ?
On dit généralement que c’est une question d’équilibre. J’étais d’accord avec ce principe il y a quelques années, mais avec le recul je dirai maintenant que ça dépend.
Selon moi il faut juste être assez clair sur ce que l’on veut, ce qui est prioritaire, et que l’entourage proche (famille, boulot), soit en adéquation. J’ai des athlètes qui font passer le triathlon avant le reste car ça correspond à leur équilibre. Mais généralement j’essaye de faire en sorte que le triathlon ne suscite aucune privation ou sacrifice dans la vie quotidienne. Il vient s’imbriquer dans le quotidien de l’athlète afin de garder un équilibre et du temps pour faire autre chose. Chaque athlète est différent, certains aiment bien souffler un jour en semaine, d’autres garder un jour off le week-end pour la famille et d’autres encore ont besoin de faire du sport 7/7j. La seule règle que j’applique c’est d’adapter le plan et le planning au mode de vie de l’athlète afin que la pratique soit durable. Lors du premier entretien que j’effectue avec les athlètes que j’accompagne, je leur dis que le plan est fait pour être adapté. On fait tous face à des contraintes imprévues au quotidien. La clé de la régularité c’est la flexibilité et l’adaptabilité. Le triathlon vient se greffer sur le mode de vie de l’athlète, pas l’inverse.
Le principal c’est qu’à aucun moment le sport ne soit une contrainte, qu’il y ai toujours du plaisir à aller à l’entrainement, ou même si parfois la motivation n’est pas trop là au moment de chausser les baskets – car oui ça arrive – la satisfaction après l’entrainement l’emporte et il n’y a aucun regret d’y être allé.
On ne peut pas être à fond toute l’année, il faut juste savoir bien gérer selon moi les périodes ou le triathlon prend un peu plus de place et d’autres ou on peut se faire un peu plus plaisir à côté.
4 – Même question pour toi en tant que sportif ?
Je pense que je suis mon pire contre exemple. Entre le boulot (Business Intelligence Analyst chez XEFI), l’accompagnement d’athlètes, et ma pratique du sport à haut niveau, j’ai énormément de mal à suivre un plan. J’en ai un, que je me fais semaine par semaine mais comme mon agenda varie au jour le jour avec beaucoup d’imprévisibilité, je dois en permanence m’adapter. Je sais que l’idéal serait de suivre mon plan. Et je vois que je passe de réels caps quand j’arrive à le suivre à 95% plusieurs semaines d’affilée. Mais c’est rare. Généralement sur la semaine j’arrive à faire 90%, mais si on regarde dans le détail, au jour le jour, il n’y a pas une journée qui a été respectée à la lettre. Avec le temps j’ai aussi appris que le meilleur indicateur est le ressenti de mon corps. J’adapte pas mal selon comment je me sens car je me connais très bien. Je sais quelle douleur est normale et laquelle doit m’alarmer. Si c’est de la fatigue liée au sport ou que je suis malade. Si nerveusement j’ai de l’influx ou que je suis vidé.
Je ne suis pas un athlète très « talentueux » naturellement. Pour arriver à un certain niveau j’ai besoin de travail et de temps. Je suis un diesel en course, mais aussi dans ma progression. Je sais qu’il ne faut pas essayer de précipiter les choses mais qu’en m’écoutant et en travaillant la forme va monter tranquillement. Je suis incapable d’être compétitif au mois d’Avril comme certains athlètes. Pour moi l’hiver est une phase « mixte », ou le triathlon prend un peu moins de place et j’en ai besoin mentalement pour pouvoir m’engager à fond le reste de l’année.
Donc dans mon cas il y a des moments d’équilibre, des moments ou le triathlon passe au second plan et quelques semaines ou toute ma vie tourne autour de l’entrainement.
5 – Tu as une philosophie d’entraînement atypique, volume modéré , no stress, du temps pour d’autres activité, ton travail, ta famille… Quel est ton secret !!?? 😅 Ne penses tu pas que tu pourrais être encore plus fort ?
Je ne sais pas si 20h-22h / semaine c’est vraiment modéré. C’est sur que globalement je fais moins que la plupart des autres professionnels. Mais je le fais de façon très régulière. Mes plus petites semaines l’hiver sont à 18h et 95% du reste de l’année est entre 20 et 22h, y compris les semaines de courses. Je ne fais jamais de semaines de récup. Je laisse mon corps me dire quand il en a besoin et je prends un ou deux jours plus light.
D’un côté je ne ressens pas le besoin de faire plus de volume pour être plus fort. Le volume c’est une fuite en avant vers la facilité car il y a un côté incrémental direct, notamment à vélo. Plus tu roules, plus tu es fort. J’ai une approche un peu différente, que je trouve plus intéressante me concernant, c’est comment être la meilleure version de moi-même avec un temps d’entrainement limité. Je n’ai pas la capacité physique de m’entrainer 30h / semaine, pas forcément l’envie non plus car ça se ferait au détriment d’autre chose. Cette contrainte temporelle que je m’auto impose me force à trouver des solutions pour essayer de m’entrainer intelligemment, en jouant sur le contenu des séances et leur intensité. Je suis un fervent défenseur de l’endurance active et du travail de force quand on a un temps limité à consacrer à l’entrainement.
Je sais aussi qu’avec mon niveau actuel, ce qui me limite ce n’est pas mon volume d’entrainement mais d’autres choses. Problèmes respiratoires post COVID, ventre récalcitrant en course, etc. Si j’arrive juste à faire en course ce que je fais à l’entrainement, sans soucis, je serai très heureux, et je sais que ça devrait me permettre de jouer devant sur la plupart des courses comme j’ai pu le faire par le passé.
J’ai la chance de vivre avec une triathlète ( Charlène Camin) qui comprend mon engagement, le mode de vie qui va avec, et les contraintes. On a trouvé un équilibre à travers notre pratique qui permet de nous dégager du temps à certaines occasions et d’être plus investi sur l’entrainement à d’autres. Globalement, de Décembre à Mars, le triathlon ne doit pas être un frein à quoi que ce soit. Je n’ai aucun problème à reporter une séance ou ne pas la faire pour aller skier, faire une rando ou aller voir de la famille.
J’ai aussi la chance d’avoir un travail (BI Analyst) chez XEFI, que j’aime et avec un patron en or. J’ai des conditions de travail qui sont quasi parfaites pour moi, me permettent d’avoir un équilibre et de structurer mes journées. Ca me permet aussi de garder les pieds sur terre, d’avoir une vie en dehors du triathlon, et de relativiser quand tout ne s’est pas passé comme prévu le dimanche sur la course.
Je ne pense pas que mon mode de vie corresponde à beaucoup de monde, mais moi j’y ai trouvé mon équilibre. 3 « boulots » pour bien remplir mes journées, c’est l’assurance de bien dormir le soir!
6 – Question extra-bonus : penses tu que le triathlète est un sport d’avenir ?
Je pense que c’est un sport tendance, dans l’air du temps. C’est un peu comme le marathon il y a 10 ans. Maintenant il faut avoir fait un Triathlon. Certaines personnes n’en feront qu’un, c’est le cas de 90% des athlètes inscrits sur Ironman et d’autres vont être piqués et n’auront qu’une envie c’est de recommencer : aller plus vite, faire plus long, mieux s’entrainer, etc. Je pense que c’est un sport qui nous apprend beaucoup sur nous même, car il est loin d’être facile. Il y a de belles valeurs associées, notamment celle du partage. On est certes tous concurrents mais on est aussi tous dans la même galère. Et que ça soit chez les amateurs ou les professionnels, parfois c’est un vrai défi de rallier la ligne d’arrivée.
C’est un sport en pleine croissance, il a de belles années devant lui!
Merci et bravo à tous les deux
Merci à tous les deux, quelle chance de recueillir autant d’informations en un seul interview croisé, et quel parcours incroyable !
Bravo à tous les deux on va continué de suivre vos exploits !!!