Image L’entraînement polarisé est-il passé de mode ?

L’entraînement polarisé est-il passé de mode ?

L’entraînement polarisé en sport d’endurance, c’est s’entraîner à des intensités basses et des intensités élevées, sans jamais être en intensité moyenne. Lorsqu’on parle d’entraînement polarisé, il faut aussi préciser que le temps total d’entraînement est réparti selon 80% à basse intensité, et 20% à haute intensité.

Mais là où tout se complique dans le quotidien du sportif, c’est comment bien définir les seuils d’intensité, pour faire précisément la différence entre basse, moyenne et haute intensité.
D’autre part, un sportif qui prépare une compétition qui se déroulera justement à une intensité moyenne (marathon, semi-marathon, triathlon L, etc…) ne doit-il pas travailler sont allure de course ?
Enfin certains triathlètes professionnels qui trust les podiums actuellement utilise d’autres méthodes d’entraînement… l’entraînement polarisé serait-il passé de mode ?
Toutes les réponses à vos questions sont dans cette article, bonne lecture !

Avant de commencer :
Dans cet article sous forme d’interview, nous posons nos questions à Jean-Baptiste Wiroth (JBW).
Jean-Baptiste Wiroth est l’un des pionniers du coaching sportif à distance.
Diplômé d’un Deug Sciences de la matière, d’un Master Staps “Entraînement sportif” , et d’un PhD en Sciences du Mouvement Humain il débute le suivi de sportif en 1997. Assez rapidement, ses sportifs gagnent des courses prestigieuses. Il a conseillé des centaines de sportifs de tous niveaux en triathlon, VTT, cyclisme, trail, marathon …

Qu’est-ce que l’entraînement polarisé ?

JBW : C’est une méthode d’entraînement qui repose sur la loi du 80/20, la fameuse loi de Pareto. L’entraînement polarisé est un concept qui est récemment revenu “à la mode”, mais ses fondements sont déjà anciens.
De manière schématique, l’entraînement polarisé peut se résumer de la sorte : 80% de travail à basse intensité, et 20% de travail à haute intensité. On évite donc la zone intermédiaire d’intensité moyenne : la fameuse “allure course”.

Comment faire la différence entre la basse, la moyenne, et la haute intensité ?

JBW : En préambule, il faut rappeler que la détermination des intensités d’entraînement dépend des seuils ventilatoires 1 (SV1), et 2 (SV2).
La Basse intensité correspond aux efforts inférieurs à SV1

La Moyenne intensité correspond aux efforts compris entre SV1 et SV2
La Haute intensité correspond aux efforts supérieurs à SV2
Si on veut être dans une démarche sérieuse, il faut faire un test d’effort pour évaluer SV1 et SV2 (idéalement en labo puis sur le terrain).

Il y a plusieurs méthodes pour évaluer l’intensité de l’exercice : 

Les sensations

Avec les sensations, c’est assez simple : tant que l’on est en “aisance respiratoire” et que l’on peut discuter, alors on est en intensité basse, ce que l’on appelle aussi l’endurance de base. A partir du moment où la fréquence ventilatoire s’accélère, alors on est dans un effort plus soutenu de type “tempo” (intensité moyenne). Si on augmente encore un peu sa vitesse de déplacement, alors on rentre en zone rouge (seuil, PMA), le temps est compté et on ne peut plus vraiment discuter, du fait de l’hyperventilation.

La même logique peut être appliquée aux sensations musculaires, mais c’est beaucoup plus subtil du fait de la subjectivité de la douleur. 

La fréquence cardiaque

La mesure cardiaque est un bon complément aux sensations. Pour schématiser : en dessous de 75% de FC max, on est en basse intensité. Entre 75 et 90%, on est en intensité moyenne. Au-dessus de 90%, on est en intensité haute. Bien entendu, la FC max (donc les zones) diffère selon les sports.

La puissance développée (vélo) ; ou la vitesse (natation + course à pied)

C’est la méthode la plus pointue, mais elle nécessite des étalonnages fréquents, car les watts ou la vitesse sont assez sensibles à l’état d’entraînement. Rien ne remplace donc un test d’effort en laboratoire en début de saison, puis des tests de terrain tous les 2-3 mois.

Lien vers notre article iDO sur les seuils d’intensités

La mode est-elle passée ? Comment s’entraînent les meilleurs mondiaux actuellement ?


JBW : La mode n’est pas vraiment passée, car la méthode polarisée est d’une part assez simple à mettre en œuvre, et d’autre part assez efficace chez une majorité d’athlètes. Une certaine controverse scientifique subsiste sur l’avantage de la méthode polarisée comparativement à la méthode pyramidale. En effet, ce n’est pas simple de démontrer scientifiquement qu’un modèle est plus performant qu’un autre !

A haut-niveau, je dirais que si on prend en compte la répartition des intensités sur le plan annuel, alors de nombreux sportifs de HN ont une répartition soit “polarisée”, soit pyramidale. 
La publication récente de Carl Foster dans Medecine and Science in Sport and Exercise semble confirmer que les sportifs d’endurance passent 60 à 90% de leur temps d’entraînement annuel sous le 1er seuil ventilatoire, en particulier en période de préparation précompétitive.
En période de préparation spécifique, les sportifs de haut niveau travaillent beaucoup en zones moyenne et haute; En effet, c’est ce qui permet de progresser et de faire face aux vitesses toujours plus rapides des compétitions.

Ce ratio est-il applicable au quotidien d’un sportif professionnel et d’un sportif amateur ?
(20% de 30h d’entraînement hebdo VS 20% de 8h d’entraînement hebdo)

JBW : La question est très pertinente ! En effet, on ne peut pas comparer l’entraînement d’un sportif de HN qui dispose de beaucoup de temps pour s’entraîner, pour participer à des compétitions, mais aussi pour se reposer et optimiser sa récupération. A l’inverse, un athlète amateur est souvent en flux tendu entre son entraînement, sa vie familiale, et son travail. La problématique de la répartition de la charge d’entraînement n’est donc pas du tout la même, entre sport de haut-niveau et sport amateur.

De manière très schématique, les sportifs de HN et professionnels qui s’entraînent 25 à 30h par semaine adoptent souvent une approche polarisée en début de préparation (80% Z1 / 20% Z3), puis basculent vers une répartition pyramidale en périodes pré-compétitive et compétitive (70% Z1 / 20% Z2 / 10% Z3). Les compétitions de préparation constituent alors une bonne partie du travail en zone 2.

Chez les amateurs qui font moins de 10h par semaine en moyenne, la problématique est de ne pas “exploser en vol” au cours de leur préparation, du fait d’un entraînement trop intense, et d’un stress du quotidien pas toujours évident à absorber (famille, enfants, travail).

Depuis presque 30 ans que je conseille des sportifs, je constate que de très nombreux amateurs ne font que de la zone 2 (moyenne intensité), soit en s’entraînant trop souvent en groupe (les fameuses sorties “club”), soit en allant à la course aux segments Strava à chaque sortie ! Bref, ils ne font que rarement du travail en endurance de base en zone 1, et jamais d’interval-training en zone 3.  Ces sportifs ont souvent tendance à stagner car ils font des séances qui génèrent beaucoup de fatigue et très peu de progression. Et je constate aussi que ces mêmes sportifs, ne respectent aucun principes de base de préparation physique : progressivité et alternance entrainement / récupération ne font pas partie de leur préoccupation ! 😉

Aussi, je recommande aux amateurs de rester sur une approche polarisée tout au long de la saison… sauf à l’approche de l’objectif de l’année, où il convient de travailler aussi à “allure course”. Cette approche polarisée permet de minimiser les risques de surmenage, de blessures, de stagnation … 

Quelles sont les alternatives à l’entraînement polarisé ? Autres méthodes de planification possible ?

La principale alternative est l’entraînement pyramidal où la répartition annuelle des intensités est grosso modo la suivante : 

  • 70% de travail en endurance 
  • 20% d’entraînement à allure course 
  • 10% de travail à haute intensité

Conclusion

JBW : Pour conclure, je dirais que la méthode polarisée a encore de beaux jours devant elle car :
– Pour les sportifs : elle est simple à respecter pour peu que l’on soit raisonnable;
– Pour les entraîneurs : elle est assez simple à expliquer et à appliquer. Je rappelle toutefois que la clé du succès reste et restera toujours l’individualisation de l’entraînement.

Pour aller un peu plus loin, les sportifs peuvent lire mon article sur l’entraînement polarisé sur le site WTS : https://www.wts.fr/entrainement-polarise/